Maintenance 4.0 : l’IA générative change-t-elle la donne ?
Le 7 février 2024Le célèbre agent conversationnel ChatGPT n’en finit plus de faire parler de lui ! Et pour cause, les grands modèles de langues (Large Language Models ou LLM) ont récemment attiré l’attention du grand public grâce à leurs incroyables performances sur des tâches d’apparence humaine (dialogue, génération de texte, d’image ou de musique…) et sont rapidement devenus les modèles les plus visibles de l’iceberg de l’IA générative.
Si certains cas d’usages touchent désormais le secteur de l’industrie, qu’en est-il dans le domaine de la maintenance industrielle ? L’IA générative va-t-elle transformer les métiers de la maintenance ?
Entretien avec Christophe BIERNACKI, Directeur scientifique adjoint d’Inria dans le domaine des mathématiques appliquées.
L’IA COMME LEVIER DE PERFORMANCE OPÉRATIONNELLE
Au vu de l’engouement pour les méthodes génératives, en particulier celles basées sur du deep learning, la tentation est forte d’appliquer ces technologies dans d’autres domaines dont le secteur industriel, et en particulier celui de la maintenance prédictive. Un constat confirmé par Christophe BIERNACKI :
“Dans ce contexte, un mécanisme génératif utile produirait alors une prédiction de l’état futur d’un système industriel à un horizon donné, voire idéalement une préconisation précise pour éviter qu’une défaillance ne survienne effectivement. La promesse est alléchante. ”
Mais ne confondons pas IA et IA générative. Si l’IA est un terme général pour désigner la mise en œuvre de méthodes pour permettre aux machines d’imiter une forme d’intelligence réelle, l’IA générative quant à elle est une sous-branche capable de générer du texte, des images ou d’autres médias.
Le secteur de la maintenance a été révolutionné par l’IA notamment avec la maintenance prédictive. En analysant en temps réel l’état de santé des équipements industriels, elle vient dépasser les limites de la maintenance préventive et corrective. Ses forces ? Détecter les patterns annonciateurs de dysfonctionnements à partir d’une variété de données (fonctionnelles, catégorielles, incomplètes…), même avec peu d’exemples de défaillances dans les historiques.
Une approche très différente de l’IA générative qui a besoin d’un volumineux corpus d’apprentissage.
“Dans le cadre de la maintenance prédictive, il est notoire que les données les plus importantes, c’est-à-dire celles répertoriant un historique conséquent de défaillances, sont présentes en un nombre particulièrement réduit. Il est donc illusoire d’appliquer avec succès les méthodes génératives actuelles dans ce contexte précis, les techniques plus standards de machine learning ou de statistique étant encore largement à privilégier.”
Il faut par ailleurs prêter la plus grande attention à la robustesse de ces méthodes génératives dans le secteur de la maintenance lorsque ces prérequis ne sont pas réunis :
“Pour être efficaces, les méthodes génératives se doivent d’apprendre sur de grosses quantités de données représentant des phénomènes proches de ceux à générer ultérieurement. En effet, l’IA générative, et les LLMs en particulier, souffrent d’un certain nombre de limitations et soulèvent un grand nombre de risques associés.
Le risque le plus important vient du manque de fiabilité et de robustesse de ces modèles : il est maintenant bien connu qu’ils produisent régulièrement des hallucinations, c’est-à-dire énoncent comme vérité des résultats trivialement faux, mais parfaitement plausibles pour le néophyte du domaine concerné. Ce type d’erreur pourrait être bien entendu limité par un accès à des sources d’information fiables durant l’inférence.”
MAIS ALORS, QUELLE PLACE POUR L’IA GÉNÉRATIVE DANS LA MAINTENANCE ?
Concrètement, l’IA générative permet aujourd’hui d’accompagner les industriels dans leurs enjeux RH, notamment sur la partie animation des équipes. D’après Joël Thibert, directeur de projet de McKinsey à Calgary dans un article paru en janvier dans les Echos, l’IA générative s’applique à la rédaction de rapports de maintenance et à la transmission des connaissances par la création d’une gamme opératoire avec des instructions détaillées en synthétisant automatiquement les manuels techniques. Un soutien pour éviter la perte de connaissance dans ce secteur qui peine à recruter.
Vous l’aurez compris, l’IA générative peut permettre aux équipes de gagner du temps sur des tâches connues et répétitives mais n’est pas adaptée à la surveillance des machines comme l’explique notre Head of Data Science Quentin GRIMONPREZ :
“Pour être performantes, les techniques d’IA doivent répondre aux spécificités et aux challenges du contexte industriel : peu d’historiques de pannes disponibles, variété de contexte d’utilisation des équipements, des données multi-sources, multi formats, de nature différentes et/ou avec un degré de certitude plus ou moins élevé.
Si certaines pannes sont récurrentes et connues, beaucoup sont nouvelles ! Il faut donc pouvoir déployer des solutions d’Intelligence Artificielle robustes capables d’identifier de nouveaux comportements anormaux et de diagnostiquer de nouveaux types de dysfonctionnements”